mardi 5 juin 2012

2. Pourquoi raconter l'histoire de Longwy?


Un samedi.

Bêtement, par hasard, par manque d’imagination, par pétrarquisme, proximité, paresse? Les hypothèses ne manquent pas.

Mais refaisons le chemin à l’envers.

Une rue, banale.
Une rue ou rien n’attire l’œil. Ni jolie, ni laide. Une rue.
Une rue pas très loin de chez soi.

Une de ces rues que l’on ne pratique qu’en voiture, que l’on ne détaille jamais, une rue que l’on se contente de parcourir l’esprit encombré par les préoccupations du quotidien. Une rue dont la seule vocation est d’être une artère passante, une petite rue d’une petite ville, un étroit passage vers l’ailleurs.

Puis un samedi.

Samedi triste, sans passion, qui s’étire comme un chewing-gum collé sous la semelle. Le ciel de plomb est tel qu’on se l’imagine à travers les descriptions de Zola, Germinal du vingt et unième siècle.

Au volant du char d’assaut qui me tient lieu d’automobile, ce samedi, je circule dans cette rue, ce chemin vers l’ailleurs, comme je l’ai déjà fait tant de fois.

Mais ce samedi, mon regard traine plus qu’à l’accoutumée sur les bâtiments qui m’entourent. La plupart sans style et sans caractère, certains en ruine en deviennent touchants de fragilité. Ces bâtiments qui n’intéressent plus personne, que beaucoup voient comme des verrues dans le paysage, que le commun préfèrerait voir disparaitre au profit d’un ensemble moderne, neuf, sentant le propre et l’aseptisé ; ces bâtisses m’attendrissent.

C’est un peu comme notre mémoire atteinte d’Alzheimer, l’amnésie perfide de ceux qui les ont réfléchis, de ceux qui les ont bâtis de leurs mains, qui y ont gravé la trace de leur peine laborieuse, de ces familles qui y ont vécu. Ces murs, je me surprends souvent à retenir mon souffle en les observant, comme si ma fébrilité pouvait suffire à les effondrer tant ils semblent n’être retenus que par leur seule volonté à subsister, par la frénésie de leur détermination à survivre. C’est cela qui force mon respect.

***



- Attends une seconde, quitte pas.

o Edgar ??? Qu’est-ce qu’y a ??? Ça va pas ???

- ……

- Scuse, c’est le chien, il m’a fait peur.

Tu disais ?

- Il a quoi ton chien ?

- Rien, rien ! J’ai cru apercevoir un éclair d’intelligence dans son regard, ça m’a fait flipper. Mais c’est bon fausse alerte ! Alors, y a quoi derrière chez toi ?

- Une chapelle. Dis, tu pourrais éviter de mâcher tes chips si près du combiné, steuplé ?


- Scronch scronch scronchmais y en a parffftout des chwapellesscronch scronch scronch

- Oui mais celle-ci, il y a un petit jardin à coté entouré de grilles et en passant j’ai aperçu des sculptures. Elles n’avaient pas l’air de dater d’hier…

- Scronch … et alors ? après avoir vu la vierge dans un paquet de nouilles, t’as trouvé Dieu dans la fiente de pigeon posée sur le grille ? hi hihihi

- Tu m’em…

- Moi aussi ch’t’aime !
huhuhu

- Non. Simplement j’ai pris ma cam et je suis allé filmer, pour faire des recherches. La sculpture est en fait un calvaire en calcaire. Splendide. On se demande ce qu’elle fait là abandonnée aux intempéries. Au premier abord je dirais 11eme ou 12eme siècle. Encore en très bon état. Tu veux que je t’envoie le film ?

- Non, surtout t’embête pas ! Ça va aller. Et donc tu veux faire quoi ? Alerter le ministre de la sculpture pour sauver le chemin de croix ?
hihihi

- Très drôle. Non, je vais faire des recherches, ça m’interpelle… Il doit y en avoir une trace aux Monuments Historiques. Je vais aller fouiller dans les bases de données voir si je peux trouver d’autres renseignements.

- Mais c’est pas un monument c’est une statue ?!

- Oui ben dans la base Mérimée ou Palissy, on verra bien. Je peux quand même pas rester sans savoir ce que c’est.


- Scronch scronchBen fonce professeur Folledingue, tu me raconteras.

- Seulement si tu cesses de manger dans le téléphone quand je t’appelle.


Voilà, c’est ainsi que l’on commence à aller fureter dans les archives du patrimoine sans savoir dans quoi on vient de glisser le pied…

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