samedi 16 juin 2012

Fermé pour cause d'inachevé

On s’enferme sur cette petite place carrée — mérite à peine le nom de place. Porosité du calme, du silence. Quatre arbres malheureux qui n’ont pas eu la chance de grandir au grand air. L’un, plus large plus assuré, protège les trois autres. De quoi, on ne sait pas.
Illusion de la place. Illusion de la rotondité.

Que vient-on chercher là ? Une preuve à sa solitude : la preuve qu’on est seul, on revient, erre là un matin de printemps mouillé — faux printemps, fausse matinée.

En colère. Colère, ressentiment, mesquin. On se sent sale d’être aussi mesquine. Mais c’est ainsi. Ça pourra peut-être, qu’en sait-on ? La suite nous le dira, les quelques mots (milliers ? millions ?) nous le diront.

On s’enferme de nouveau. On oublie la place, il n’y a plus qu’un perron, une marche sur laquelle on s’assoit.
Interruption du cycle ?

Rumeur résumée plus discrète plus perceptible plus palpable sans chercher sans vouloir.
Trivialité des événements — prosaïque. Qui eût cru que la vie pouvait être aussi banale, que les plus grosses surprises pouvaient être vécues avec une telle indifférence.
Indifférence, observation, jouissance, certes, mais pas bouleversante, jouissance aisée, facile, poids dont on se débarrasse, qu’on laisse derrière soi avec aussitôt l’envie de l’oublier, ou, non de l’oublier, mais qu’il soit une fois pour toutes derrière, dans le passé, toute réalité palpable effacée.
Va-t-en.

Enfermée sur cette petit place. Je me souviendrai toujours de la révélation qui m’a été faite près de cette petite place, petit coin pastoral caché à quelques mètres à peine d’un boulevard.

Après midi ensoleillée. Douceur de juin. Parfum de vacances. De congé plutôt.
Ivresse d’un bonheur fugace. Souvenir impalpable et doux.
Et toutes les questions qui ont suivi. Sans jamais entacher la pureté originelle. Bonheur opportuniste, secret sans fin. Secret bien caché. Qu’on ne révèlera pas, jamais.

Agacement, frustration. Temps figé par le sentiment.
Pas d’indifférence. Pente douce vers plus de frustration, plus de fatigue.
Va plus loin. Descends encore. Une marche après l’autre. Même si pas envie. On n’a jamais vraiment envie.
Il n’y a plus de bout du rouleau. Depuis longtemps dépassé. Plus de bout du rouleau. On s’aperçoit chaque instant que ça peut toujours être plus sombre.
Un peu comme la nuit, l’accoutumance des yeux à l’ombre, qui devient pénombre, puis ombre à nouveau.
Pas de fin à cette lente descente.
Mais imaginer que la lumière n’ait pas cycle. Pas de jour, ni de nuit. Pas de succession, pas d’évidence.
Juste celle-là.
Ça peut toujours être plus sombre.
On se complait ouvertement mais au fond on n’a jamais vraiment envie, on voudrait remonter, que ce soit facile de remonter, enfin.
Mais où vous croyez-vous ? Comment pouvez-vous croire que c’est facile de remonter. Au fond. On reste au fond. Plus bas.
Descend encore.
Pas envie.
Même si pas envie.
Même si pas envie, on t’a dit !

1 commentaire:

  1. Très beau mélange de dépression de tristesse et d'humour. ..maturité, vécu, et finesse d'esprit, quand ça nous tient !

    RépondreSupprimer