dimanche 3 juin 2012

1. Pourquoi écrivez-vous?




Pourquoi écrivez-vous ?

Sempiternelle question posée par tout éditeur qui se respecte alors que vous envoyez votre manuscrit à son approbation. Ai-je dit question idiote ?

Allez, je me motive, je respire, et je libère tout ce que je contiens de franchise mâtinée peut-être d’un peu de diplomatie.

Écrire. Certainement la meilleure idée que l’homme ait eue.

Écrire. Certainement la plus mauvaise idée que j’ai eue !

Chronique d’une calamité annoncée : « Tous aux abris, Pétasse se prend pour un auteur».

Il y a de quoi se mettre en liste rouge, aux abonnés absents, éteindre toutes les lumières, fermer les volets, et renvoyer son courrier signifié de NPAI.

Oui.

Car quand Pétasse se prend pour un écrivain, avec la grande charité qui la caractérise, personne n’échappe à ses demandes de relecture, à ses « t’en penses quoi ? » « Oui, mais c’est pas trop ci ou trop çà ? », « tu crois pas que ? » « Comment ça t’as autre chose à faire ? »

Et ça fini inévitablement par une Pétasse vexée comme un pou ou frustrée, et un entourage pourtant plein de bonne volonté mais résolu à souscrire à l’abonnement au Prozac en promo avec toute inscription au « Cercle des Proches de Chieuses Émérites. »



Pourquoi j’écris ? En voilà une grande et belle question pour un adepte de l’astiquage de nombril mèche au vent, regard perdu dans le vague, pour un disciple de l’autopsie du « mon-moi-si-profond-qu’on-entend-l’écho » sans plus de raison d’être que de consistance. (J’ai dit diplomate ?)

Mais ne soyons pas avaricieux de nos cours de philo, gardons l’esprit ouvert à tout questionnement situé à mi-chemin du « pourquoi mon anus se trouve derrière » et « Quand je mets mon doigt ici, ça fait quoi ».



Cette question a-t-elle sincèrement un sens ?

Oui. Bien sûr que oui.

Car tout questionnement a un intérêt chiantifique.

Puis le principe du questionnement nous rassure sur la présence potentielle de sources cognitives que notre encéphale mou est supposé pouvoir mettre en branle. Mais le simple fait de ne pas trouver la réponse nous rappelle aussi que ce dit bulbe rachidien est largement atrophié par les années de fiesta entre copains, les substances illicites ingérés à la chaine, le stress du travail (seule excuse socialement respectable et donc pas des moindres) et que les années qui passent demeurent indiscutablement neuronophages.



Alors, reprenons.

Le principe « d’écrire » a-t-il lui-même un fondement, une utilité ?

Y a-t-il un sens à toutes ces lettres ? À tous ces mots ? À toutes ces phrases ? Ai-je donc tant de temps à perdre pour me poser ce genre de questions futiles ? Ah, pardon monsieur l’éditeur, c’est vous qui l’avez posée, j'oubliais….



Pourquoi j’écris…

J’écris car je suis ? Transcription scripturale d’un cogito ergo sum qui a mis en surchauffe la cervelle de tant de générations… Mais cette réponse me laisse perplexe.



Qui suis-je pour prétendre écrire ? Eh bien, je ne suis justement personne.

Alors ?

Alors écrire, en ce qui me concerne, c’est un moyen de penser, de réfléchir, et aussi une façon d’agir.

J’écris par fanatisme, je réfléchis par idéalisme, et j’agis par conviction. Que de prétention dans ces derniers mots, mais ça en jette, non ?

Pourtant ce ne sont pas les uniques raisons de ma folie encrière mais j’y reviendrai plus tard.



Au fil du temps, écrire est devenu synonyme de gains ostentatoires dans l’imaginaire populaire et parfois dans la réalité. Une forme de financement alternatif de l’ego surdimensionné, capable de faire et de défaire l’ascétisme littéraire.



La réussite littéraire s’apparente à une suite de mots qui deviendrait un livre, livre qui deviendrait à son tour un best-seller mais qui reste pourtant une bête suite de mots. Une écriture qui deviendrait en somme une simple ligne de compte. À chaque mot, à chaque signe, serait alors associé un montant en euros sonnants et trébuchants. On s’achemine doucement vers un non-sens littéraire, un désert créatif remplacé par la perspective du gain et de la rentabilité. Les mots n’ont plus de sens que le prix que l’on est prêt à y mettre.



Alors pourquoi j’écris ?

En ce qui me concerne, j’écris couramment, et je dis bien « je », à tort et à travers, surtout à tort.

J’écris ce qui me passe par la tête, le fruit de mes recherches, les images que cela produit en moi, les histoires que cela me raconte. J’écris ce qui me traverse, ce qui me touche et me bouleverse parfois, mais surtout je veux écrire ces sentiments que l’on ne lit jamais entre les lignes des dates des grands évènements plus ou moins connus.

Chacune de mes lignes, chacun de mes mots je les veux chargés d’une sensation, d’une émotion, d’une conviction. Les leurs, les miennes, les nôtres.



Et je n’ose avouer au regard de ce principe combien de livres je tiens au rang de farce scripturale. Je n’ose me remémorer le nombre de bouquins que j’ai refermé sur un sentiment d’inachevé, le gout amer que laisse le vide d’une histoire pourtant bien construite techniquement mais si creuse d’humanité.



Prenez des lettres, faites des mots. Alignez ces mots, vous aurez des phrases. Avec un peu de chance vous arriverez à votre but, au bout de votre histoire. Mais comme votre histoire reste désespérément vide, exempte de toute humanité. Dans chacune de ces lignes, on trouve au final un compte en banque ou un éditeur se questionnant sur une ligne de profit.

En définitive, n’importe quel abruti est capable de prendre un stylo et écrire, mais écrire au sens propre, écrire pleinement, écrire avec ses tripes plus qu’avec son savoir, n’est donné qu’aux imbéciles profonds et heureux de mon genre.



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